Ce peut être une chanson particulièrement forte, émouvante, qui me semble incontournable, que j’imagine soit en entrée d’un spectacle ou en fin de spectacle (la chute). Ce peut être un concept de mise en scène (ralenti, ou langage des signes comme dans Eclipsss, ou une action en accéléré, Je … demain, avec les séquences récurrentes sur la musique de « Histoire sans paroles », ou encore un effet de « lumière noire » … Cela peut venir aussi d’un concept que j’ai vu dans un spectacle et que j’ai envie de reproduire, en m’en inspirant et en l’adaptant – sans jamais copier - à ce qui sera notre spectacle. Mon choix est donc d’abord orienté à partir de cette chanson ou de ce concept.
A partir de là, je dois alors m’interroger sur le deuxième paramètre, incontournable et indispensable pour choisir un thème : c’est qu’il doit TOUJOURS permettre d’offrir au public quelque chose de visuellement beau, c’est-à-dire des costumes originaux, colorés, dans des ambiances complètement différentes d’un spectacle à l’autre. C’est donc un paramètre essentiel, qui doit se conjuguer avec tout le reste. Car aussi belle que puisse être une chanson ou un concept, si elle est appliquée sur quelque chose de terne, elle n’aura pas de prise sur le public. C’est donc à partir de là que mon imaginaire se met en route : comment la chanson ou le concept de départ peut-il tomber en adéquation avec une idée, un thème ou une histoire qui permette d’y associer des costumes originaux ? L’idée peut venir très vite, ou « germer » pendant des semaines …A force de chercher, un fil rouge peut alors se mettre en place, une histoire d’abord succincte. Je cherche alors d’autres titres qui, à leur tour, amènent des concepts, et inversement. Peu à peu, au fil des mois, le scénario se met en place et devient plus dense, plus riche. L’histoire se construit … C’est une période durant laquelle j’écoute alors énormément la radio, où je passe en revue tous mes CD - et c’est aussi à ce moment-là que j’ai énormément besoin de toutes les suggestions qui peuvent m’être faites par les choristes eux-mêmes. Je passe alors des heures d’écoute, certaines suggestions sont immédiatement retenues, parce que musicalement, je sais (ainsi que Claude) qu’elles seront belles et efficaces en chœur et aussi parce qu’elles pourront s’inscrire dans mon scénario. D’autres suggestions, tout aussi intéressantes musicalement, plus complexes à intégrer dans l’histoire, attendront un peu avant d’être choisies … et beaucoup d’autres seront rejetées de façon définitive.
Il peut arriver, aussi, que le THEME soit tout simplement le départ de tout : L’échiquier pour Le Fou du Roy, le Moyen-âge pour Secrets de Gargouilles, l’atelier de réparation de poupées pour Je...demain - ne restent alors qu’à trouver l’histoire et les chansons. Chaque idée de chanson apporte une idée au scénario. A l’inverse, l’histoire apporte aussi des idées de titres. Le scénario reste, il faut le dire, la chose la plus complexe, car les chansons qui existent déjà – doivent « épouser » mon histoire en gestation …
Il faut donc une organisation sans faille, beaucoup de méthode, d’anticipation, de rigueur. Sur un plan personnel, c’est un oubli de soi total (réfréner ses envies de jardinage ou de sorties, même s’il fait très beau, sacrifier ses loisirs et se limiter au strict nécessaire (rdv divers : médecin, coiffeur, ostéopathe …), en utilisant au maximum mes 2 jours de repos – mercredi et vendredi – pour avancer sur le nouveau thème, et, si ces 2 jours ne suffisent pas, en prenant sur mon temps de vacances. D’autant qu’on ne se met pas sur un nouveau thème pour 2h seulement (c’est à peine le temps de « rentrer dedans ») mais pour au moins une journée …
C’est donc un jonglage perpétuel avec la vie quotidienne et ses contraintes … J’utilise donc tout mon temps disponible, la moindre demi-heure, le temps passé en voiture (à cogiter ou écouter des chansons), le train …
J’ai grandi avec les Compagnons de la Chanson, Edith Piaf, Brassens, Ferrat, Jacques Brel, mais aussi Simon et Garfunkel, Les Beatles, les Bee Gees. L’amour et la passion de la chanson en chœur de de la polyphonie m’est sans doute venue d’abord des Compagnons de la Chanson qui ont bercé mon enfance, de Fugain et son Big Bazar, puis plus tard des Frères Jacques, puis des polyphonies corses (j’ai une adoration pour I MUVRINI !!!), Véronique Sanson, Cabrel … et tant d’autres …
J’adore évidemment la comédie musicale (ma première comédie musicale a été West Side Story à Lyon alors que j’avais une vingtaine d’années, puis Cats à New York, et toutes celles, plus récentes, qui ont suivi bien plus tard en France …). Je reste toujours profondément attachée aux œuvres classiques, avec un faible pour Mozart, Vivaldi et Tchaïkowsky … et je vis avec un homme qui aime la Pop … et avec lui, je me suis ouverte encore davantage à la musique pop anglo-saxonne et américaine (québécoise aussi évidemment).
A nous deux, on se complète bien …
Je sentais, je savais, même sans l’avoir voulu moi-même, que ce métier était fait pour moi.
Alors certes, ma vie et mon temps sont entièrement consacrés à la gestion de nos chœurs et des spectacles, mais je suis comblée d’avoir trouvé ma voie à travers ce moyen d’expression qui est une véritable passion.
Mon plus beau cadeau reste de contempler le bonheur des choristes à travers leurs visages lorsqu’ils chantent et vibrent ensemble, de découvrir tout leur talent, à travers ce qui est devenue aussi leur passion ; de découvrir aussi, les représentations terminées : « le spectacle accompli » et d’en mesurer à ce moment-là l’ampleur, avec l’immense émotion que cela suscite dans le public et, par ricochet, pour Claude et moi-même … et enfin, cerise sur le gâteau, de découvrir à quel point le public adhère, et de plus en plus, depuis 19 ans… Alors, j’ai envie de dire à la petite voix qui m’a poussée au métier de chef de chœur alors que j’avais 23 ans : « MERCI, infiniment MERCI… c’est grâce à toi …»